DANS QUELS MONDES VIVONS-NOUS
« Dans quel monde vivons-nous ? » : le plus souvent, dans cette question, le point d’interrogation vaut autant qu’un point d’exclamation. Elle sonne à la fois sur le mode de la révolte et sur celui de la résignation. Dans l’usage ainsi fait du mot, ou de l’idée, de « monde » se cache la valeur la plus forte qu’on puisse lui attacher : celle du cosmos, ensemble harmonieux des corps célestes dont les orbes portent les rapports de l’ordre universel, c’est-à-dire tourné vers une unité intégrale. C’est le sens et le balancement de cet ordre et de cet un qui se trouvent donc implicitement interrogés par cette question. Il se trouve qu’aujourd’hui l’expérience, tant scientifique qu’existentielle, du monde déjoue la postulation « cosmique » dans laquelle la pensée semblait inévitablement devoir se déployer. D’une part, le monde-cosmos est éclaté ou désuni ; d’autre part, l’idée même de « monde »